INTRODUCTION
Pour ralentir une auto en mouvement, il faut que son énergie cinétique diminue : c’est le freinage.
Les plaquettes de freins et les pneus vont absorber cette énergie par frottement, sur les disques pour les premières et sur la route pour les seconds. Durant cet « échange », l’énergie cinétique va se transformer en énergie thermique : les disques de frein du véhicule vont se mettre à chauffer pendant que la vitesse va diminuer…
Lors d’un rapide mais très instructif passage dans l’une des écoles de pilotage Skip Barber aux USA, je me rappelle qu’un instructeur avait commencé son briefing par : « lorsque vous maîtriserez parfaitement le freinage, vous aurez fait 70% du chemin dans le pilotage ».
Le freinage conditionne en effet la vitesse d’entrée dans le virage, la vitesse de passage dans le virage, et la vitesse de sortie. D’où l’importance de ne pas le rater. Rater le freinage revient à rater tout ce qui suit : le freinage optimal sur circuit est donc capital lorsqu’on veut piloter le plus efficacement possible.
Le but du freinage est de ralentir la voiture pour l’amener à la vitesse idéale dans un virage d’où on devra ressortir le plus vite possible.
Et comme nous allons le voir un peu plus loin, le freinage sur circuit est le contraire absolu du freinage qu’un conducteur lambda réalise en conditions normales : il est nécessaire de bien avoir à l’esprit que pour aller vite il faut – en résumé – freiner le plus tard possible, le plus fort possible et le moins longtemps possible.
C’est à ce prix, que le freinage devient véritablement efficace. Pour vous donner un ordre d’idée, prenons l’exemple du circuit des 24 heures du Mans : le fameux freinage de Mulsanne au bout de l’incroyable ligne droite des Hunaudières est extrêmement parlant en terme de décélération phénoménale : les pilotes les plus rapides perdent en effet quelques 300 km/h en moins de 300 mètres !
– PLUSIEURS TYPES DE FREINAGE
On l’oublie souvent, mais le système de freinage de la plupart des automobiles à vocation sportive a des capacités de freinage bien supérieures aux capacités d’accélération.
Il existe différents types de freinage liés à la conduite des automobiles, mais un seul lié au pilotage…
. Le freinage par pompage
D’un autre temps, le freinage par pompage consiste à freiner par impulsions répétées sur la pédale de frein : appuyer fort, relâcher pour réappuyer, relâcher et ainsi de suite !
Il était préconisé pour éviter la surchauffe du système de freinage lorsque les freins n’étaient pas en mesure de dissiper suffisamment de chaleur.
Il est bien évident que ce freinage est complètement à proscrire sur circuit : il crée une augmentation considérable de la distance de freinage tout en déstabilisant l’auto par compression et détente cyclique des suspensions occasionnant des transferts de charge particulièrement parasites voire dangereux dans le maintien d’une trajectoire.
. Le freinage progressif
C’est le type même de freinage enseigné dans les auto-écoles et utilisé par la plupart des conducteurs : on commence par freiner en douceur avant d’augmenter la pression jusqu’à obtenir un freinage régulier, bien dosé, privilégiant le confort des passagers mais pas la distance de freinage. A éviter absolument sur circuit.
. Le freinage dégressif
Nous avons gardé le meilleur pour la fin car le freinage dégressif est le seul type de freinage à utiliser pour le pilotage sur circuit.
Le principe du freinage dégressif est de littéralement casser la vitesse dès le début de l’action sur la pédale de frein. Il s’agit d’une phase stratégique et délicate à maîtriser car il faut assurer une décélération maximale tout en conservant la stabilité et la dirigeabilité du véhicule.
Vous avez certainement entendu l’expression « taper dans les freins ».
Un brin réductrice, cette expression a le mérite d’être claire : on freine très fort (mais sans brutalité) à la limite du blocage des roues avant de soulager tout en douceur la pression au fur et à mesure que la vitesse diminue.
Il est capital d’avoir à l’esprit que la pédale de frein est tout sauf un système « ON-OFF » et le mot « dégressif » a toute son importance…
« smooth is fast », autrement dit « le dosage est le secret pour rouler vite »…
Un freinage n’aura ainsi pas la même intensité à l’issue d’une longue ligne droite aboutissant à un virage fermé que celui réalisé sur un enchaînement de virages à vitesse plus réduite.
Il est absolument nécessaire de commencer à freiner fort avant de braquer les roues. Si vous freinez encore trop fort pendant que vous tournez, vous aurez de grandes chances de créer du survirage et le têteà-queue sera quasi-inévitable.
L’erreur de nombreux pilotes découvrant le freinage dégressif est de ne jamais freiner assez fort au début de la manœuvre et donc de ne pas casser assez rapidement la vitesse : pour la petite histoire, la pression exercée au début du point de freinage menant sur le virage d’Adelaïde (circuit de Magny-Cours) se situe aux alentours de 150 kg sur une Formule 1, sur les GT courant en compétition cette même pression est comprise entre 90 et 120 kg.
Sur toutes les autres voitures évoluant sur circuit, vous devrez au moins « freiner » au minimum de 50 à 60 kg de pression. Autrement dit…il ne faut pas jouer les effarouchés !
Pour vous rendre – relativement – compte de la pression à exercer avec le pied droit, asseyez vous sur une chaise face à un mur après avoir fait reposer à la vertical un pèse-personne sur ce même mur. En vous retrouvant dans une situation proche de l’assise que vous auriez dans une voiture, appuyez alors au centre du pèse personne avec votre pied droit jusqu’à voir une valeur proche 50 kg : la démonstration du ressenti de la pression à exercer sera certes approximative mais suffisante pour vous donner un ordre d’idée !
ON FREINE PUIS ON RÉTROGRADE
Une autre erreur relevée en phase d’apprentissage est un rétrogradage trop tôt en croyant devoir utiliser le frein moteur. Dans le cadre du pilotage sur circuit, un moteur sert à accélérer et pas à freiner : le système de freinage remplit parfaitement son rôle en solo.
D’un point de vue « physiologique », si le cerveau ne demande grossièrement qu’une seule action à effectuer (celle d’ordonner au pied d’appuyer sur la pédale de frein), celle ci conserve toutes ses chances d’être réalisée correctement : en revanche, la conjonction de plusieurs gestes a plus de risques de créer un résultat imparfait.
Conclusion : on freine de façon dégressive PUIS on rétrograde, tout en évitant de poursuivre la descente des rapports après le point de braquage (création d’un déséquilibre par transfert de charge).
En analysant une trajectoire type, environ 80% du freinage s’effectue roues droites pour un maximum d’efficacité et de sécurité. Les 20% restant sont réalisés entre le point de braquage et le point de corde. Gardez à l’esprit que plus le virage sera ouvert, plus le point de braquage et le relâcher de frein seront tôt. Plus le virage sera fermé, plus le point de braquage et le point de relâcher seront tardifs (dans ce dernier cas le relâcher de frein se fera au-delà du point de braquage et la technique du « trail-braking » expliquée plus loin aura toute son importance).
FREINAGE PIED DROIT OU FREINAGE PIED GAUCHE ?
Il existe grosso-modo deux techniques majeures de freinage : avec le pied droit (standard) ou avec le pied gauche.
On reparlera sur la technique de freinage avec le pied gauche dans un article spécifique, mais d’ici là revoyons ensemble la technique la plus simple, à savoir le freinage du pied droit…
Le travail du pied droit sur la pédale de frein doit se faire avec un savant mélange basé essentiellement sur le ressenti : c’est pourquoi il est ainsi important de toujours piloter avec des chaussures à semelle fine qui vous permettront au fil du temps de travailler la sensibilité de votre pied droit et d’obtenir un ressenti optimum.
Rappelez-vous que lorsque le pied droit quitte la pédale d’accélérateur, c’est pour aller le plus vite possible sur celle des freins.
Le plus compliqué étant de le faire certes avec une extrême rapidité mais en respectant une grande souplesse. Difficile mais subtile cocktail qui, bien dosé, va permettre un transfert de charge sur les roues avant, leur permettant ainsi d’engendrer – au-delà de la décélération – une augmentation d’adhérence sur les pneumatiques. Dans le même esprit, l’action de relâcher les freins ne doit aucun cas se faire brutalement et ce pour les mêmes raisons de transferts de charge.
EVITER LE BLOCAGE DES ROUES
A la nécessité de freiner fort, s’ajoute une difficulté importante que nous avons abordé précédemment : celle de ne pas bloquer les roues. Celui-ci peut se produire sur une seule roue, sur deux roues voire sur les quatre réunies, et ce de façon simultanée ou non.
Si vous êtes assez chanceux pour piloter une Audi R8 LMS ou son équivalent, vous pourrez freiner comme un sourd, debout sur les freins vous ne bloquerez jamais rien tant l’ABS est redoutable (voir plus haut le paragraphe consacré à l’ABS). Sur une Formule 1, le freinage dégressif « pur » ne veut plus dire grand chose non plus, tant l’ABS est également ultra-perfectionné… En revanche, sur tous les autres véhicules non équipés d’ABS, il vaudra mieux prendre garde à la pression que vous exercerez…
Lorsqu’une roue cesse de tourner, le pneumatique perd quasi instantanément sa capacité d’adhérence (encore appelée « grip »). La décélération devient médiocre (la distance de freinage augmente) et le pouvoir directionnel est perdu.
Le ressenti peut être différent en fonction du type de véhicule et des aides au pilotage disponibles. Sur ma voiture, les bruits aérodynamiques sont trop importants pour que je puisse entendre une quelconque amorce de crissement de pneus ! S’agissant de la vue, comme sur tous les véhicules où l’on ne voit pas les pneus (contrairement aux Formule 1), il est par ailleurs impossible d’observer le phénomène de blocage.
C’est du côté de la « sensation » musculaire que la solution se situe. Bien calé avec votre pied gauche, et donc détendu dans votre prise de volant, vous pourrez ressentir un blocage des roues au travers d’un assouplissement très net de la colonne de direction provoquée par la perte d’adhérence de vos pneus.
En cas de blocage de roue, il est important de réagir vite mais sans précipitation : si vous retirez immédiatement votre pied du frein avant de freiner à nouveau à l’entrée d’un virage au moment du point de braquage, le transfert de charge risque fort de finir de déstabiliser votre trajectoire vers un sous-virage certain ! Il est crucial de relâcher la pression mais pas totalement afin de garder de la charge sur l’essieu avant et donc de pouvoir reprendre la trajectoire voulue.
Il s’agit d’un exercice difficile qui ne peut être réussi qu’après un certain entraînement et une solide quantité de tours de circuits réalisés sur la même voiture et de préférence avec un instructeur !
Ce n’est qu’en freinant et en freinant encore que vous cernerez au mieux les capacités de votre véhicule et que vous exercerez une sorte de mémoire neuro-musculaire dans la relation de votre cerveau donnant l’ordre de pression maximale à l’instant « t ».
Au-delà de la perte d’adhérence, une roue bloquée provoque une usure rapide du pneumatique à l’endroit même du point resté en contact avec le revêtement du circuit. Si le blocage a été trop persistant, le pneumatique aura perdu sa forme cylindrique avec l’apparition d’un ou de plusieurs plats.
C’est ainsi, qu’après certains tâtonnements avec mon répartiteur de freinage, j’ai bloqué fort…très fort en appui au milieu d’un double droit provoquant l’irréparable : deux beaux plats sur mon slick avant Dunlop. La sentence a été immédiate : avec la gomme partie en fumée à deux endroits précis le tout amplifié par la rotation de la roue, les vibrations au volant sont devenues telles que j’ai dû rentré aux stands direct !
Il ne faut pas oublier non plus qu’un pneumatique victime d’un premier « plat » aura tendance, dans le prochaine zone de freinage, à se bloquer au même endroit et donc à aggraver le problème déjà présent.
LE FREINAGE PARFAIT ?
Le freinage parfait est, sur le plan technique, un acte extrêmement difficile à réaliser.
En tant qu’observateur, on doit pouvoir observer l’aspect d’une roue avant à la limite du blocage : à l’image d’un film au ralenti, elle(s) tourne(ent) doucement à la limite du blocage et en parfaite opposition avec la vitesse de la voiture qui continue d’être élevée (voir photo ci-dessous).
S’agissant de l’intérêt du simulateur disposant de relevés GPS fidèles, autant le rôle de ce dernier est primordial dans la mémorisation d’un tracé et des vitesses / rapports de passage associés, autant son rôle est limité dans l’entraînement au freinage : il est souvent délicat de travailler ses points de freinage tant ceux ci peuvent significativement différés de la réalité.
Une fois sur place pour une journée « trackday », je sors rarement le premier et prends toujours un minimum de temps en me déplaçant sur les endroits stratégiques du circuit…
– Première étape, je vous conseille d’utiliser votre bon sens en observant sur la piste où se situent les pertes de gomme les plus importantes à l’approche des virages : vous pourrez ainsi mieux appréhender les points de freinage et les associer à un repère extérieur ou mieux, à un panneau de freinage spécifique dont sont équipés certains circuits (les panneaux disposent de distances en mètres – souvent de 50 à 200 m par rapport à l’entrée du virage).
– Seconde étape, comparer les revêtements. En effet, tous les circuits sont inégaux dans leur entretien, la dégradation de l’asphalte, etc. Nul besoin d’être un pilote professionnel pour considérer là où le grip sera bon et là où le revêtement risque de rendre le freinage plus délicat.
S’agissant des points de repères, il est indispensable qu’au-delà de la connaissance des points de freinage chacun associe une situation à une image mentale précise : ces repères sont aussi importants en ligne droite, qu’en virage, qu’en zone de freinage ou d’accélération.
Associer une portion de la piste à un détail particulier permet de quasiment connaître la piste mètre par mètre. Chaque pilote pourra donc positionner dans son esprit et dans un ordre chronologique ce qu’il devra faire à un moment précis. Ce n’est qu’à partir du moment où tous ces éléments de repérage seront mis en place qu’interviendra l’anticipation, permettant au pilote d’avoir son esprit toujours en avance par rapport à la prochaine action…
– Troisième étape, prenez des notes !
Un circuit évolue souvent au gré des saisons : les pièges de l’automne ne sont pas forcément les pièges de l’été, les repères de freinage par temps sec seront différents avec une piste humide, etc.
TRAIL BRAKING
Le « trail braking » est une appellation anglo-saxonne qui consiste à retarder sensiblement son point de freinage tout en prolongeant son freinage dans la courbe en « léchant » littéralement les freins. Dans ce cas précis et contrairement au cas d’école, le freinage ne se termine pas au point de braquage : au lieu de relâcher complètement la pédale de frein, elle est relâchée progressivement jusqu’au point de corde.
La charge sur le train avant est plus importante qu’un passage en courbe classique et favorise l’inscription de la voiture dans le virage avec logiquement plus de « grip ».
A contrario le train arrière peut se retrouver excessivement délesté en cas de survitesse ce qui peut conduire au survirage et logiquement au tête à queue. Une éventuelle fin de rétrogradage durant cette phase augmentera par ailleurs la difficulté.
Cette technique de freinage, abordée très tôt dans les écoles de pilotage américaines, permet de gagner du temps en retardant son point de freinage, tandis que la voiture peut conserver de l’énergie cinétique au point de corde pour une meilleure relance dans l’accélération.
Ce type de freinage nécessite une parfaite appréhension du virage et le contrôle total de sa voiture en combinant la bonne vitesse, le bon angle de braquage et la bonne répartition des charges dans le dosage du freinage…
Je vous déconseille vivement d’aborder seul cette technique de freinage : seul un instructeur diplômé vous permettra de faire un apprentissage raisonné !
Source: super-trackday