LA PISTE AUX ÉTOILES ! POUR UN FAIT DE SOCIÉTÉ
C’est un phénomène incontestable. Ces dernières années, les SSV n’ont cessés d’évoluer en compétition. Tout est parti d’un pari fou pour concurrencer les Buggys et les 4×4 traditionnels, sur leur propre terrain. Comme à chaque nouvelle époque, les médias n’ont pas décelé tout de suite l’importance de ce phénomène. Sans doute au départ par le manque de fiabilité et de vitesse de pointe de ces véhicules sortis tout droit d’un film de Mad Max ! Mais la multitude d’épreuves qui ouvrent leur course aux SSV permet de faire évoluer significativement ces drôles de machines qu’on appellera pour l’occasion ‘’ Sauterelles Sur Vitaminées ! ’’ Ce qui fait l’originalité et l’attraction de ces petits monstres, c’est que l’achat et la préparation pour courir sont nettement moins élevés que dans les autres catégories. Cela permet à des concurrents assez ordinaires de vivre des moments extraordinaires. Une tentation de plus pour attirer des jeunes femmes dans un monde qui était jusqu’ici réservé aux hommes. D’ailleurs, si la Baja SSV devenait élitiste et trop masculin, on le reprocherait à l’organisateur.
Dans l’arène des Gladiateurs !
Dès ce matin à l’aube, il planait une bonne odeur de café qui envahissait la salle du petit déjeuner au Pacha. Certains pilotes impatients d’en découdre étaient déjà habillés de leur combi, pendant que les mécanos s’afféraient à vérifier le gonflage des pneus et les éclairages. Les flammes publicitaires de la Baja se dressent comme une haie d’honneur pour saluer les équipages venus de trois pays différents. Elle avait fière allure cette caravane multicolore avec ces drôles de machines conduites par des extraterrestres, casqués et emmitouflés, des pieds à la tête. Difficile de reconnaître le visage de ces chasseurs d’aventures qui se cachent derrière le reflet des lunettes de protection.
En lever de rideau, c’était donc une étape longue de 320 kms, où il fallait compter sur les ornières et éviter la tentation de ne pas s’abandonner à un ‘’trivial poursuit’’. Souvent les premiers kilomètres de course ont tendance à déclencher une sécrétion dans tout le corps des pilotes. Si pour certains, c’est la routine, pour d’autres, c’est l’épreuve du feu, au même titre qu’un baigneur qui hésite à rentrer dans l’eau froide de la piscine ! Qu’à cela ne tienne, les francs-tireurs de cette discipline avaient tous rendez-vous ce matin, pour faire leur preuve ! Une première étape ou les forçats de la discipline pouvaient s’illustrer, à moins que des débutants bien inspirés viennent contre carrer les ambitions des premiers de la classe ?
Il faut dire qu’aujourd’hui le menu était bien chargé pour ceux qui étaient venus chercher l’adrénaline. En entrée, les concurrents allaient rouler pendant 30 kms dans l’Oued du Draa, puis sur 72 kms dans les dunettes et 30 kms dunes dans le sable fin. Après ce passage obligé, il restera tout de même 100 kms de pistes sinueuses et très techniques pour retrouver le bivouac. Ils n’auront qu’un repos de courte durée, puisque le dessert de la journée sera les 50 kms de la spéciale de nuit. Si la nuit tous les chats sont gris, ce secteur allait mettre à rude épreuve les nerfs des navigos, car sous la voûte étoilée, toutes les pistes s’entrecroisent, sans qu’il y ait le moindre horizon en vue.
Entrée et plat !
Il est 7h30, les concurrents se positionnent sur la piste de la boussole en file indienne pour prendre le top départ à 8h00. L’ordre est donné par # de course. C’est l’équipage #100 Cyril et Alexis Neveu qui se présente au point zéro devant les officiels de la course. Il aura le privilège non négligeable de s’élancer le premier sur les pistes, sans la poussière.
À 8 heures tapante le top départ est donné par Chris Armelin, au milieu d’un tourbillon de poussière ocre qui se soulève et drape le sol des premiers mètres de la piste.
Il est déjà loin le mois d’août. Ici, on n’est pas sur la plage des flots bleus ! C’est une mer de sable sans coquillages, ni crustacés !
Tous les concurrents partent à cent à l’heure et affutés comme des sabres de ‘’Samouraï’’. Les plus rapides de la discipline enclenchent la première sur les chapeaux de roues, faisant ainsi voltiger les bavettes de protection. Nous voilà donc dans l’arène des gladiateurs pour affronter la dure réalité de la piste poussiéreuse. La poussière, c’est l’ennemi de tous, stagnante entre les épineux, elle brouille les pistes déjà peux visibles. Ça fait partie des multiples péripéties qui peuvent se produire, au gré des étapes. L’examen est permanant et la remise en question est totale dès que l’on recherche l’aventure.
Si tôt dit, si tôt fait, en milieu de matinée les premiers incidents freinaient la fougue de certains. C’est l’équipage #139, Olivier et Béatrice Lenormand qui en faisait les frais avec une sortie de piste acrobatique qui a anéanti leurs espoirs. Malheureusement, s’en est terminé pour eux. Certes le terrain était glissant et piégeur avec de nombreux devers, et de nombreux freinages en courbe. Si la gourmandise n’est pas un défaut, on ne va tout de même pas en faire un plat… ! Le #112, Grégorian Richer est aussi parti à la faute par l’avant, avec quelques petites pirouettes sans gravitées. Le #135, Nicolas Pages et Nicolas Gyon, eux aussi a fait quelques galipettes, mais sans gravité. Le SSV rentrera sur un plateau pour être remis en état pour demain. Le SSV #121 François Lestringuant / Paul Durame se payent aussi une petite pirouette, elle aussi sans gravité. D’autres équipes ont eu aussi leur lot de tracasseries (circuit électrique défectueux, surchauffe, crevaisons, casse moteur…). La routine lorsqu’on est en Rallye Raid.
#124. Fidèles à leur réputation, les deux Delphine sont venues au secours d’un équipage en mauvaise posture ‘’Ces nanas là, elles sont terribles’’. Pour elles, l’entraide est permanente et sans arrière-pensée.
Les 30 kms de hautes dunes cassantes ont aussi laissées des traces, surtout au km 15, ou plusieurs SSV étaient plantés, jusqu’au châssis. Selon les vieux ! routiers, cette première spéciale était peut-être un peu trop dure pour des profanes. En revanche, sur les 100 derniers kms de pistes, le terrain était glissant et piégeur avec de nombreux devers et de nombreux freinages en courbe. Une parcelle réservée aux pilotes expérimentés qui ont le champignon qui démange, à l’image de Jean Pascal Besson, ex pilote en WRC.
C’est l’heure du dessert !
Comme prévu la veille, l’heure de vérité de la journée, ce sont les 50 kms de nuit. Il règne une certaine appréhension au sein de la caravane. Si pour les routards, ça ne sera qu’une formalité, pour d’autres, un bain de minuit dans l’obscurité. Dans le désert on ne triche pas, on ne ment pas et personne n’est à l’abri d’une erreur, surtout lorsqu’il fait nuit noire. La remise en question est permanente. Bon, maintenant qu’ils sont là, il faut bien y aller à la croisée des chemins !
Dernière minute. Par mesure de sécurité, l’organisateur annonce officiellement à 18h00 que la spéciale de nuit est annulée.
Au terme de cette première journée, on attendait Cyril et Alexis Neveu, l’ancien vainqueur du Paris-Dakar reconverti en quatre roues, mais finalement, c’est le SSV # 108 de Pinchedez qui remporte l’épreuve en déjouant tous les pièges de la ES1.
Info du matin : Plusieurs équipages étaient encore plantés dans les dunes à 8h30, ce mardi 19 octobre. Le camion balai va sans doute passer sa matinée pour récupérer ces valeureux guerriers des temps modernes qui ont tous passés la nuit à la belle étoile. Pas d’inquiétude, l’organisation fait face. « Aventure, c’est juste le nom romantique pour dire « problèmes ».
Ils ont dit…
#125. Pascal Rollet / Stéphane Denecheau « Je me suis régalé. Il y avait de tout, du sable , encore du sable avec plusieurs passages très chaud. En revanche, je trouve que pour des profanes, c’est peut-être un peu compliqué. Les derniers 100 kms, j’avais cette sensation de conduire un véhicule de WRC, tellement les glissades étaient impressionnantes ».
#103. Jean Pascal Besson / Florence Breuil « Une mise en jambes pour une très belle spéciale. Une première partie avec un mélange de dunettes et de pistes avec pas mal de franchissements. Derrière environ 80 kms de sables comme je les aime, avec des dunes assez molles qui ne sont pas si facile à franchir. Sur la troisième partie, nous avons un peu jardiné pour trouver les points GPS. Une fois sorti, nous avons trouvé des pistes ultra rapides avec beaucoup de PP //. Dans l’ensemble une belle journée. J’en profite pour féliciter mon épouse qui m’assiste pour la nav. Elle a fait un sans faute pour son baptême du feu, en plus on termine deuxième à deux minutes de Pinch ».
#126. Philippe Decourty / Lionel de Grove. « Natif de Belgique mon pilote et moi-même courons pour la première fois en Rallye Raid. Jusqu’à maintenant nous étions plutôt concentrés sur des épreuves de championnat de France d’endurance, et sur le SSV Européan Trophy en Belgique. J’avoue que je ne suis fan du sable, les dunes ne m’inspirent pas de tout. D’ailleurs, j’ai failli m’arrêter tellement le rythme était soutenu. Mon plaisir, c’est le pilotage, donc aujourd’hui, j’étais un peu frustré avec tous ces kms de dunes qui n’en finissaient pas. Je pense que ce genre de spéciale est plutôt réservée à des pilotes confirmés ».
Classement général : ES1
1 # 108 Pinchedez/Gaidella 5 :21 :08
2 # 107 Lacam/Delphino 5 :23 :31
3 # 125 Rollet/Denecheau 5 :26 :15
4 # 103 Besson/Breuil 5 :28 :06
5 # 100 Neveu/Neveu 5 :28 :10
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Gilles Davis S/Presse Baja SSV Morocco 2021
Crédits photos : Actiongraphers