Après des mois d’inactivité forcée, les motos et les quads ont enfin eu la chance de pouvoir faire leurs premiers tours de roues sur la Super Spéciale de 9 kilomètres qui a déterminé les ordres de départ de la première étape de demain. Sur des pistes andalouses qui s’annoncent poussiéreuses, l’exercice qui n’est souvent qu’une simple formalité, a été pris très au sérieux par les pilotes. Tous visaient une place aux avant-postes pour débuter l’Andalucía Rally dans les meilleures conditions. Disputée en boucle autour du bivouac de l’Hacienda El Rosalejo, la spéciale est revenue en Moto RallyGP à Toby Price (Red Bull KTM Factory Racing) ex aequo avec son nouveau coéquipier Daniel Sanders et devant Ross Branch (Monster Yamaha Rally). Les observateurs privilégiés de cette Super Spéciale n’ont pas manqué de remarquer que toutes les équipes officielles (Monster Energy Honda, Rockstar Energy Husqvarna Factory Racing, Red Bull KTM Factory Racing, GasGas Factory Racing, Sherco TVS Rally, Hero Motorsports Rally, Monster Yamaha Rally) étaient présentes et que certaines en ont profité pour lancer leurs nouvelles recrues avec succès. Les autos s’élanceront demain matin à leur tour sur cette boucle avant de se présenter directement au départ de la première étape. Une catégorie au plateau tout aussi relevé qu’à moto.
L’équipe moto qui affiche le plus de changement est indiscutablement celle de Monster Energy Yamaha Rally avec l’arrivée du dernier vainqueur du Rallye du Maroc, l’américain Andrew Short. Une autre valeur montante du rallye-raid a aussi rejoint l’équipe basée en France, le pilote du Botswana Ross Branch. Si les contrats officiels ne sont pas une nouveauté pour « Shorty », c’est un plaisir inattendu pour « Kalahari Ferrari » : « Je suis très content d’être de retour en course et heureux d’avoir intégré l’équipe. C’est un rêve qui devient réalité. Au Dakar 2020, je pensais que c’était probablement mon dernier rallye. Cela devenait vraiment difficile en tant que pilote privé de trouver le budget nécessaire, mais maintenant que ce stress a disparu, je peux me concentrer totalement sur ma course. Finir troisième de la Super Spéciale est une belle façon de commencer ma carrière professionnelle.»
Leurs rivaux de chez Red Bull KTM Factory Racing ne sont pas restés les bras croisés et leur sensation s’appelle Daniel « Chucky » Sanders. Venu de l’autre bout de la planète secouer le milieu de l’enduro en remportant notamment les ISDE 2019, l’Australien a le pedigree idéal « Je m’entraîne avec l’équipe depuis trois semaines et cela m’a déjà permis de beaucoup apprendre. Les pistes andalouses ont l’air super et je suis très impatient de participer à mon premier rallye. Mais j’ai encore plein de choses à apprendre et si je pouvais m’inspirer juste un peu de Toby (Price), je serais content. C’est déjà le cas en terminant ex aequo avec lui dans la Super Spéciale, même si j’espère ne pas ouvrir demain ! »
Il n’y a pas que les équipes officielles qui ont recruté. La structure privée réputée HT Rally Team a elle aussi élevé son jeu en recrutant le très expérimenté Xavier de Soultrait et le triple champion du monde d’enduro David Knight.Henk Hellegers, leur nouveau manager, se félicite de ces signatures : « nous sommes vraiment heureux d’accueillir ces deux pilotes, ils apportent une bonne ambiance dans l’équipe. Accompagner une légende comme David Knight en rallye-raid est un vrai plaisir pour nous, tout comme soutenir un pilote d’expérience comme Xavier vers la prochaine étape de sa carrière. »
A côté du jeu des chaises musicales, l’objet de toutes les discussions des motards est l’arrivée de l’air bag. Dérivés de ceux utilisés en MotoGP, ils ne sont pas obligatoires sur l’Andalucía Rally mais le seront au Dakar. Afin de laisser les concurrents choisir parmi pas moins de cinq marques, une centaine d’exemplaires d’essai sont à leur disposition durant la course. Depuis que l’air bag a fait son entrée en compétition moto sur circuit, des ingénieurs ont cherché à l’adapter aux contraintes du rallye-raid. Mais leur tâche n’a pas été aussi facile en raison des conditions tout-terrain, par essence plus multiples. L’homme en charge de mener à bien cette mission est Thierry Viardot, plus de 30 ans d’expérience technique dans la discipline : « A l’Andalucía Rally, tous les concurrents moto ont la possibilité d’essayer en course différents air bags validés par la FIM. Ces produits ont été adaptés à un usage tout-terrain et incorporent une sécurité passive capable de protéger la poitrine et le dos du motard, ce qui engendre inévitablement une augmentation de la chaleur corporelle. Mais ce n’est pas l’amélioration principale à apporter. Selon moi, l’enjeu majeur est de travailler sur le moment de déclenchement en prenant en compte l’inclinaison et la vitesse de l’impact. La seule façon d’accumuler les données nécessaires est de commencer à l’utiliser dès à présent afin de pouvoir améliorer d’ici les prochains mois les algorithmes. Durant cette phase de développement, il est possible que des air bags se déclenchent de manière intempestive, mais il faut accepter cela si nous voulons faire progresser la sécurité des motards. »
Chez les autos, il y a eu moins de changement, même si celui de dernière minute de l’équipage Christian Lavieille et Jean-Pierre Garcin ramène un duo d’expérience en T1. Habitués depuis quatre saisons à jouer la victoire en T2, les français ont accepté l’invitation de Sodicars Racing pour une pige dans l’un de ses véhicules laissé vacant par Cristina Gutierrez. L’Espagnole sera en effet aux commandes d’un quatre roues motrice de l’équipe X-Raid Mini JCW. La même auto que pilotera cette semaine le nouveau duo Peterhansel-Boulanger. Une surprise de retrouver « Peter » sur un quatre roues motrices alors que Carlos Sainz conserve le buggy victorieux au Dakar en janvier dernier. Aucun choix stratégique derrière cette différence de machines, mais une explication pragmatique donnée par « Monsieur Dakar » : « Il n’y avait qu’un seul buggy de disponible. Carlos voulait continuer à le développer et comme pour moi la priorité est de rouler avec mon nouveau copilote Edouard Boulanger, j’ai accepté. Le quatre roues motrices peut avoir un avantage ici, mais ce n’est pas ça qui a pesé dans cette décision. » Le Russe Denis Krotov pilotera dès demain la quatrième Mini. Un team X-Raid qui aura face à lui pas moins de cinq Hilux. Celui de Roman Chabot (Overdrive SA), équipé pour l’occasion de la même base technique que ses coéquipiers Erik Van Loon, Bernhard Ten Brinke et Yazeed Al Rajhi qui retrouve son copilote habituel Dirk Von Zitzewitz, enfin de retour aux affaires après son arrêt suite à une sortie de piste en Pologne.
Chef de fil des pick-up Hilux, Nasser Al Attiya (Toyota Gazoo Racing) est bien décidé à remporter l’Andalucía Rally : « c’est la première fois que je viens en Andalousie, j’ai entrevu des paysages magnifiques et je suis heureux d’être ici. Je tiens à remercier David Castera de nous avoir réuni, c’est comme un Mini Dakar ! Nous avons une bonne voiture, Stéphane (Peterhansel) sera aussi sur un quatre roues motrices et je suis ici pour aider l’équipe mais aussi pour gagner cette course ». A sa droite dans le cockpit demain, le discours de Matthieu Baumel est plus mesuré. Pour lui comme pour tous les copilotes, l’actualité est l’utilisation pour la première fois de ce que le milieu appelle déjà « la tablette » : le road-book électronique qui sera la norme dès janvier prochain en Arabie Saoudite. « Cela ne va pas être évident ni idéal sur la première journée, mais on est là pour apprendre avant le Dakar. On a quatre jours de course ici, je pense que l’on va réussir à vraiment rentrer dans le nouveau fonctionnement de ce format digital. Avant, on avait le cahier, le GPS et la vision réelle de ce qu’il y a dehors. Là, il y a beaucoup d’informations sur la tablette, avec la télécommande dont on n’a pas l’habitude. Au final, on n’a pas vraiment le temps de regarder à l’extérieur, c’est ce qu’il va falloir optimiser. C’est un beau challenge, et c’est pour cela qu’on est là. Mais je n’ai pas de doute sur la qualité de cette tablette. »
Lucas Cruz, copilote « d’El Matador » se pose lui aussi des questions à l’approche de ce premier test mondial grandeur nature : « C’est un peu de stress en plus, mais nous avons déjà dû nous adapter l’an dernier avec le road-book en couleur remis dix minutes avant le départ. On va voir avec la vitesse et les mouvements du tableau de bord sur lequel la tablette est fixée si nous allons réussir à lire les informations, surtout avec les petites lettres. Jusque-là, on tenait le road book et on le tournait avec les mains pour suivre les mouvements de la voiture, mais là c’est la tête peut-être qu’il va falloir bouger. On verra ce que cela donne ici, si certains la prendront à la main. Ce qui ne serait pas une solution idéale à cause du fil relié au GPS, que ce soit pour sortir de l’auto pour intervenir dehors ou en cas d’accident où elle pourrait être projetée. »
Chez les véhicules légers T3, double sensation avec l’entrée en piste du jeune pilote maison américain Seth Quintero, enfin âgé de 18 ans, et celle inattendue du champion suédois de rallycross Kevin Hansen dans la Red Bull Off-Road Junior Team. Le vainqueur du Nitro Rallycross 2019 remplace Blade Hildebrand, blessé, et prend cette opportunité au sérieux : « Red Bull m’a donné la possibilité de prendre la place de Blade, je leur ai tout de suite dit que j’étais partant pour m’essayer au rallye-raid et je suis très heureux d’être ici pour ma première expérience. J’aime le rallycross, mais j’ai aussi envie de rallye-raid. Ce sont deux sports différents, mais l’un n’est pas obligé de remplacer l’autre et j’aimerais pouvoir faire les deux en parallèle. Je pense que l’Andalucía Rally est bien pour débuter. La navigation sera a priori plus facile. Je ne vais pas me précipiter, je veux prendre de l’expérience et y aller étape par étape. » Face à la jeunesse de l’équipe Red Bull, un concurrent essaiera de s’interposer, l’expérimenté Jean-Luc Pisson sur son Zephyr PH Sport.
En catégorie SSV T4, l’équipe Monster Energy Can-Am fait figure d’épouvantail et Scott Abraham son directeur ne le cache pas : « Nous avons une équipe très solide. Austin (Jones) est très rapide et a beaucoup évolué dans cette catégorie depuis quelques années. Aron (Domzala), récent champion du monde T3, est lui aussi très rapide et nous avons hâte de les voir en piste. Sans oublier notre vétéran Gerard (Farres) qui a toute l’expérience nécessaire. Nous sommes ravis d’avoir l’opportunité de courir ici, ODC Events a su changer ses plans et nous proposer l’Andalucía Rally qui, j’en suis sûr, nous permettra d’être prêt pour les prochains challenges. »
L’étape 1 de demain : « un condensé du rallye »
Alors que les motos et les quads s’élanceront directement dans la spéciale, les autos, elles, passeront d’abord par la Super Spéciale avant de se présenter au départ, deux heures après que la dernière moto ne se soit élancée. David Castera :« On va montrer aux concurrents tout ce qu’ils vont rencontrer ici. Des parties techniques au début, un peu de sable sur 30-40 km, des parties plus aérées, d’autres refermées et dans la dernière propriété traversée, sur les derniers 40 kilomètres, ce sera plus technique avec un peu de végétation. »